Sans le savoir, je partageais une pensée commune avec la pathétique créature devant moi. Non pas le Hollow qui s'empressait de disparaître en profitant de la diversion qu'avait été ma sortie soudaine de ma tanière – preuve que son instinct de survie allait le mener loin. Non, je regardais avec toute la froideur et le dégoût de mon éternité l'Arrancar écumant de violence aveugle qui se croyait en mesure de se dresser devant moi.

En dépit du dégoût qu'il m'inspirait, nous étions d'accord sur un sujet: la plupart des Arrancars était des créatures inutiles à la tenue de ce monde, car ils ne faisaient rien de bien positif de leur vie-après-la-mort. A mes yeux, leur seule utilité était qu'ils étaient forts et puissants, et qu'ils se posaient ainsi en adversaires à combattre. Une chose était sûre : une fois que je les aurais battu, je les tuerai sans remords.
Une fois dépassées ces considérations martiales, ils m'ennuyaient tout au moins, et je fuyais leur présence le plus possible. Je ne comprenais pas pourquoi Sithu s'entêtait à vouloir vivre entre ces murs blancs, sous ce soleil artificiel. Des fois, je me pris à penser que Las Noches n'était pas un chateau-fort pour nous protéger, car nous n'avions aucunement besoin de défense, ni même un palace dédié à nos plaisirs, car les Espadas n'avaient pas vraiment de loisirs si ce n'était la mort et la torture – Sithu mis à part, mais mon didon avait toujours été spécialement bizarre. Non, Las Noches étaient une prison pour nous empêcher de nuir, de nous répandre de par le monde.

Il allait donc sans dire que j'arrivais souvent à ma limite d'endurance, et les nerfs à fleur de peau, je préférai regagner le Désert pour méditer et vivre ma vie, avant de revenir endurer cette souffrance qu'était la Ville de La Nuit, auprès de mon Espada.
Et immanquablement, je revenais à ma tanière, cet amas de rochers et d'os, que j'avais constitué des siècles auparavant et que Sithu avait partagé alors que nous étions que respectivement Vasto Lorde et Adjuchas. J'en profitai pour remarquer mon territoire, et jusqu'à ce jour, personne ne me l'avait contesté. Preuve que je revenais assez souvent. Rien n'est immuable au Hueco Mundo, sauf l'odeur de la mort. Nous en étions les Enfants comme les Exécutants. Et dire que les Shinigami se croyaient être « les dieux de la mort ». Pff, ils n'y connaissaient rien. Des ploucs, baignés dans la lumière bienfaitrice de leur satanée Soul Society. Des lâches, et des minables, à qui je devais les manquements aux devoirs qui m'avaient menée à devenir Hollow. Où étaient-ils, ces « dieux », quand je gisais morte puis fantôme parmi les vivants ? Pourquoi n'étaient-ils pas venus me purifier ? Au lieu de ça, la haine et la rage de vivre m'avaient consumée.
J'étais Vie... mais j'étais Mort.
Je ne vivais que pour donner la mort, à travers l'art de la chasse. La seule activité qui me faisait réellement oublier toutes ses considérations au mieux mélancoliques – Sithu déteindrait-il sur moi? - mais plus souvent sinistres.

Allongée sur le sable, dans l'anonymat de mon chez-moi, je me plaisais à somnoler quand mes pesquisa m'indiquèrent que mon territoire venait d'être violé. Quel était l'inconscient qui pénétrait ainsi dans ce périmètre de mort assuré ? Etait-il fou ou suicidaire ? Je n'eus le temps de pondérer plus en avant qu'une autre présence déboulait, « criant » tout azimut sa position et sa force toute relative. Un grognement sourd de contrariété roula hors de ma gorge et déjà la Louve en moi se manifesta, mes yeux brillants d'un éclat encore acéré. Avait-on déjà oublié mon nom et ma force ?
Lorsque les bala les plus proches firent vibrent le sol sous mes pattes, je sortis et à la manière du prédateur qui avançait contre le vent, je me faufilai vers une dune culminante, pour examiner la scène.

Hérésie infâme. Un fort qui torture un faible. Un déshonneur flagrant et un manque d'éducation. On ne joue pas avec sa nourriture. On ne chasse pas sans besoin. Et puisqu'à tout moment, on pouvait passer de chasseur à chassé, on respectait sa proie, sous peine de se voir appliquer la même « déférence » à l'heure de notre chute.

Avec un feulement de dégoût, je m'interposai et dévisageai l'excrément de cafard qui se tenait devant moi. Il semblait avoir de la bave aux lèvres, excité qu'il était à force de titiller jusqu'à la folie cet Hollow, qui avait fort judicieusement choisi de soit mourir rapidement de ma main, soit de me mener à faire face à son poursuivant.
Le pire ? Le truc osa me toiser et m'agresser. Verbalement. Moi, je n'allais pas prendre de pincette. Je sautai sur lui et d'un coup de poing, l'envoyait voler plus loin.
- « Dégage, le morpion ! Tu es sur mon territoire, et je n'admets pas les intrusions de larve dans ton genre !!! »

Depuis le haut de la dune où je m'étais déplacée, je le regardais s'agiter dans tous les sens, à faire voltiger le sable à grands renforts d'explosions et autres lumières. Si cela m'amusait? A peine. J'avais plutôt pitié de lui.
Quoi? Il pensait me prendre par surprise, me toucher peut-être, avec ce sonido ridicule? Apparemment oui. Il ne m'avait pas reconnue, moi, Siddheen Tula, la fraccion du Secunda Espada, premier parmi les nôtres en terme de rapidité. Cela faisait bien trois ou quatre décennies que je m'entraînais régulièrement avec Sithu, et si j'étais encore bien loin d'égaler la vitesse de mon dindon préféré, j'avais suffisamment progressé pour ne pas me faire épingler par une aussi pathétique tentative...

- « T'es nul. »
Ma constatation tomba comme le couperet d'une guillotine. Toute en nonchalance, je le laissai mesurer mon état et ma position: intacte et presque derrière lui. A lui de comprendre que si j'avais voulu, ça aurait été mes griffes dans sa nuque qu'il aurait entendu un tout autre discours: t'es mort.

- « T'es nul, et tu es la lie de tous les chasseurs. T'es comme tous les arrancars, avides de violence et de sang. Tu me dégoûtes... Je te laisse encore une chance, casse-toi de mon territoire. »
Pas de "et ou...". Je ne menaçais pas, j'énonçais un fait, un ordre. Je n'avais pas envie de me salir les pattes avec ce bozo. Pff, où était Sithu quand on avait besoin de lui, hum?

Jappement, jappement, jappement... Ce jeune chiot m'indisposait au plus haut point et lentement, mais sûrement, mon aspect se modifiait, en commençant pas les yeux et le masque de loup qui descendait depuis mon diadème d'os.

Mais il passa la limite quand il s'en prit à mon ancien domicile. J'avais essayé d'être gentille, de le prévenir, mais non, il fallait qu'il se comporte en parfait petit arrancar, tout en violence, sadisme et égoïsme.
Je poussai un soupir, et sans un mot ou un geste je me lançai sur lui, et sans dégainer mes lames, lui envoyai un punch qui concentrait toute ma colère, ma rancune, mon dégoût.

Mon nom écrit? Pourquoi pas. J'allais utiliser son sang en guise d'encre, mais je doutais fortement de sa capacité à savoir lire. Il faut avoir un cerveau pour ça...

Il avait franchi le pas de trop. Sithu n'allait pas aimer, mais j'allais tuer cet avorton. Comment pouvait-on être aussi faible et aussi stupide ? C'était un véritable miracle qu'il ne fût pas encore détruit et son âme dispersée en particules de reiatsu. L'évocation de mon ami réussit cependant à calmer mes pulsions les plus violentes, et bien que cela me coûta, je fis un effort sur moi-même, contrôlant mes envies de sang. Je me plus toutefois à imaginer comment j'allais déchiqueter ses membres alors que petit à petit, mon reiatsu disparaissait autour de nous. S'il y avait bien une chose pour laquelle j'étais particulièrement douée, meilleure que le Tercera, c'était bien ça. Nul doute que l'autre idiot ne devait plus me « sentir », et ne me voir que parce que j'étais physiquement devant lui.

Avec un geste de la main, je lançai une boule d'énergie spirituelle au sol. Ce n'était ni un cero ni un bara, le but du jeu étant simplement de soulever un énorme nuage de sable dans lequel me dissimuler. Ainsi, je pus attaquer sur la gauche, là où reposait son zanpakuto qu'il avait eu la très mauvaise idée de ranger. Si je n'étais pas rapide comme l'éclair, ma vitesse devrait pourtant me permettre de le prendre par surprise, désarmé et désorienté, privé de vue et de pesquisa comme il l'était.
D'un mouvement fluide, je sortis mes deux lames et je lui entaillais les articulations et autres points douloureux : l'épaule, le flanc, l'arrière du genoux si j'y arriverais, la jugulaire ou encore, le nerf des bras. Oui, je voulais , encore plus que le faire mourir ou souffrir, le rendre impuissant. Peut-être apprendra-t-il ainsi à juger sa place et à fermer sa grande gueule devant plus fort que lui ?